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Documents/annexes Bory

À la publication de l’article de Christophe Brun dans la revue papier, s’ajoutent les documents suivants :

 

1. Les annexes 1 à 9
2. Le planisphère de Bory
3. Le planisphère de Berghaus de 1850

 

 

Annexe 1

Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent, un savant bien armé

 

Né en 1778 d’un père fermier des tabacs de l’Agenais anobli par l’office, d’une mère issue d’une famille cultivée de riches armateurs bordelais actifs dans le commerce colonial – les Journu[1] –, Bory fait ses études à Agen puis Bordeaux. Le conscrit de 1799 entame rapidement une carrière d’officier cartographe ; de la seconde guerre de Vendée à la défense d’Agen contre les Anglais de Wellington en 1814, elle le mène au grade de lieutenant-colonel de dragons. Parallèlement, la protection d’un compatriote, le naturaliste agenais Étienne de Lacepède (1756-1825), favorise les talents de Bory en zoologie, botanique et géologie : il participe en 1800-1802, par les Canaries et jusqu’aux Mascareignes, à l’expédition de Nicolas Baudin (1754-1803) dirigée vers l’Australie (1800-1804) : il y donne son nom à un cratère du Piton de la Fournaise sur l’île de la Réunion et prend part à la rébellion d’une partie de l’expédition contre son chef.

L’officier de la Grande Armée sillonne l’Europe médiane et orientale, enfin l’Espagne des « malheurs de la guerre » de Goya où, de 1809 à 1813, il lève des cartes pour l’état-major et entretient avec le maréchal Soult des relations en demi-teinte. Partout, le sabreur exerce son œil de naturaliste de terrain et accumule des herbiers. Il met à profit les conquêtes napoléoniennes pour rencontrer de nombreux savants européens et prendre connaissance des collections d’histoire naturelle conservées à Vienne, Berlin et surtout Madrid. Admirateur de la « sublime »[2]  République des États-Unis mais partisan de l’Empereur libéral de 1815, causeur et publiciste acide et talentueux, député des Cent-Jours, Bory est compris au début de la seconde Restauration dans la fournée des « trente-huit » bannis de France le 24 juillet 1815.

Après qu’une errance de proscrit lui a fait traverser les royaumes des Pays-Bas, de Prusse et de Bohême, il reparaît à Paris en janvier 1820, amnistié et doté d’un solide réseau savant, éditorial, politique. Combatif, quoique cerné de puissants adversaires, usant de sa « liberté » à l’écart des stérilisantes « précautions » qui prévalurent jusqu’à l’énoncé en 1789 des « droits imprescriptibles de l’Homme et du citoyen »[3], Bory publie à mitraille de manière à mieux assurer la présence de ses idées dans le champ scientifique[4] ; accessoirement, le recyclage de ses travaux fait profiter le polygraphe impécunieux d’une économie d’effort financièrement profitable. Car l’ex-officier en demi-solde vit alors, pour l’essentiel, de sa plume d’homme de science : il est emprisonné pour dettes pendant trois ans (cf. annexe 2).

Écrivain prolifique (il s’est aussi essayé à l’écriture théâtrale), promoteur avec Étienne Geoffroy Saint-Hilaire (1772-1844) d’un monumental Dictionnaire classique d’histoire naturelle (1822-1831), Bory est propulsé en 1829 par son compatriote bordelais Jean-Baptiste Sylvère Gaye de Martignac (1778-1832), devenu l’homme clé du ministère de Charles X, à la direction de la commission scientifique adjointe à l’expédition militaire française envoyée en Morée (le Péloponnèse) et dans les Cyclades pour épauler les indépendantistes grecs contre l’Empire ottoman. La Monarchie de Juillet confirme son retour en grâce : l’éphémère député de Marmande en 1831 est nommé, avec le grade de colonel, au Dépôt de la guerre où sont archivés les cartes et plans à l’usage de l’armée française. Correspondant de l’Académie des sciences dès 1808, il en devient associé libre en 1834. Fait commandeur de la Légion d’honneur en 1838, Bory prend, en 1840-1842, la tête de la commission scientifique expédiée en Algérie ; il y acquiert un domaine à Blida. La mort le saisit à Paris en 1846, sans que le sexagénaire ait cessé de rédiger de nombreux articles scientifiques – la retraite répugne au militaire.

 

Annexe 2

Les éditions de la classification raciologique du genre Homo

et de sa mise en planisphère par Bory de Saint-Vincent

 

A. Le texte d’anthropologie raciologique.

Entre 1825 et 1828, Bory donne quatre accommodations éditoriales successives du même fond de texte sur son genre Homo.

1. En juin 1825, avant même la parution prévue sous forme d’article du Dictionnaire classique d’histoire naturelle, Bory fait imprimer une soixantaine de tirés à part : L’Homme (Homo). Essai zoologique sur le genre humain, Paris, Le Normant fils, 2 vol.

2. En septembre 1825 (« Bory, 1825 ») : article « Homme », in Dictionnaire classique d’histoire naturelle, Paris, Rey-Gravier/Baudouin frères, 1822-1831, 17 vol., t. viii, 1825, p. 269a-346b. Il « produisit, lors de son apparition, une grande sensation » (2e éd., 1827, t. i, p. vi, « Avis des éditeurs »).

3. En mars 1827 (« Bory, 1827a ») : L’Homme (Homo). Essai zoologique sur le genre humain. 2e édition enrichie d’une carte nouvelle h.-t. rempliée pour l’intelligence de la distribution des espèces d’hommes à la surface du globe terrestre, Paris, Rey-Gravier, 1827, 2 vol. in-16, ix-328 et 259 p., carte dépl. h.-t. en noir et blanc. Cette édition est augmentée de nombreuses notes et du planisphère (cf. ci-dessous) ; sa réédition en 1836 suscite une traduction allemande en 1837[5] et une réponse en 1840, l’opuscule du naturaliste et historien catholique et monogéniste Claude-Charles Pierquin de Gembloux, Lettre au général [sic] Bory de Saint-Vincent sur l’unité de l’espèce humaine, Bourges.

4. En 1828 (« Bory, 1828 ») : article « Races humaines », in Nicolas Desmarest [1725-1815], Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent, Guillaume-Tell Doin, Claude-Joseph Ferry, Jean-Jacques-Nicolas Huot, Géographie physiquede l’Encyclopédie méthodique, Paris, Veuve Agasse, t. v, 1828, p. 256a-279b.

 

B. Le planisphère.

Bory fait présenter son planisphère du genre humain à l’Académie des sciences le 26 mars 1827 et il le publie, cette même année, à deux reprises. Il est alors emprisonné pour dettes à Sainte-Pélagie, où il reçoit et travaille ; il y reste retenu, en partie de son fait, de mars 1825 à janvier 1828.

1. 1827a. Cette première publication en noir et blanc, parfois mise en couleur, accompagne « Bory, 1827a ». Le planisphère est absent de l’exemplaire conservé à la Bibliothèque nationale de France ; celui de l’exemplaire en notre possession est identique à Bory, 1827b, aux différences suivantes près : la mention « dessiné par Bory de St Vincent » figure en bas à gauche, la gravure est de Berthe, les dimensions sont de 40 × 28 cm, les couleurs prévues n’ont pas été apposées dans les cartouches de la légende au bas de la carte ni sur le planisphère, les reliefs sont très marqués, le méridien de Paris est bien positionné, l’orthographe des noms d’espèces comporte quelques particularités (« Japetiques », « Hindoüe », « Hypperboréenne », « Américaine »).

Sur le planisphère imprimé en noir et blanc, la pose des couleurs s’effectuait à la main : une pratique coûteuse qui impliquait en outre, d’un exemplaire à l’autre, une variation du ton ou de l’intensité des teintes qui, elles, étaient choisies une fois pour toutes. Parce qu’ils appartenaient à une encyclopédie prestigieuse, tous les exemplaires de l’édition 1827b (ci-dessous) ont probablement été aquarellés ; en revanche, la carte de l’édition 1827a n’étant coloriée qu’à la demande du client[6] (de la même manière que nombre de livres étaient vendus brochés, les acheteurs décidant ou non de les faire relier), la plupart des exemplaires ne le furent pas et nous sont ainsi parvenus en noir et blanc – nous n’en avons pas vus mis en couleur.

2. 1827b (« Bory, 1827b », reproduction dans le présent numéro). Cette seconde publication en couleur intègre l’entreprise éditoriale prestigieuse et démesurée que constitua l’Encyclopédie méthodique et qui, issue des Lumières finissantes, ambitionna d’atteindre à l’« encyclopédie absolue »[7].

Nicolas Desmarest [1725-1815], Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent, Atlas encyclopédique contenant les cartes et les planches relatives à la géographie physique, Paris, Veuve Agasse, 1827, 120 p. et 48 pl., pl. 1 : planisphère en couleur de la « Distribution primitive du genre humain à la surface du globe, par Mr le Colonel Bory de St Vincent », 42 × 25 cm, gravure sur cuivre, au burin, par Ambroise Tardieu, cartouches de la légende à gauche de la carte. La table des planches indique : « Mappemonde, indiquant la répartition primitive des espèces d’hommes pour l’intelligence de l’article Races humaines du Dictionnaire »[8]. Cet Atlas complète les cinq tomes de la Géographie physique de l’Encyclopédie méthodique lancée par l’éditeur Charles-Joseph Panckoucke (1782-1798), poursuivie par son gendre Henri Agasse (1798-1813), achevée par sa fille Thérèse-Charlotte devenue veuve (la « Veuve Agasse ») entre 1813 et 1832 ; au total, 216 volumes publiés en un demi-siècle (l’entreprise a été retardée par la Révolution), dont 13 de géographie : 3 tomes de Géographie moderne en 1783-1788, 3 tomes de Géographie ancienne en 1787-1792, 1 Atlas de géographie ancienne et moderne en 1787, 5 tomes de Géographie physique en 1795-1828 et, donc, 1 tome pour l’atlas de géographie physique en 1827.

3. 1831. Bory fait paraître à nouveau deux exemplaires en couleur de son planisphère, en conclusion du volume de planches qui achève le Dictionnaire classique d’histoire naturelle codirigé par ses soins. Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent, Atlas et illustration des planches du Dictionnaire classique d’histoire naturelle, Paris, Rey-Gravier/Baudouin frères, 1822-1831, 17 vol., t. xvii, 1831, vii-141 p.-161 pl., pl. 160 et 161. Planche 160 : ce premier planisphère reproduit celui de 1827b ; planche 161 : ce second planisphère est intitulé « Distribution primitive des espèces du genre Homme à la surface du globe » (« Ancien Hémisphère » à l’Ouest, « Nouvel Hémisphère » à l’Est) et comporte une toponymie classique des espaces maritimes (« Mer des Indes », « Grand Océan austral » et « Grand Océan boréal », « mer Équinoxiale », « mer de Chine », etc.).

 

 

Annexe 3

Principes cartographiques de la construction du planisphère de Bory de Saint-Vincent

Repris des meilleures cartes françaises des années 1820, issu de l’inventaire systématique des formes terrestres qui débuta avec le désenclavement maritime du globe réalisé par les Européens de l’Ouest depuis le xve siècle, le tracé des terres émergées de la mappemonde de Bory est de bonne facture, avec quelques inexactitudes telles que les contours des péninsules coréenne ou indochinoise ; selon une pratique héritée des portulans des xiiie-xve siècles qui exagéraient sciemment les découpures des rivages, les côtes sont figurées par une ligne continûment sinueuse.

Les onze choix de construction opérés par le cartographe reposent sur le socle de deux siècles et demi de sédimentations scientifiques et techniques.

1. Projection. Bory utilise la projection cylindrique conforme popularisée dès 1569 par le Flamand Gerhard Kremer (dit Mercator, 1512-1594), bien que les superficies considérablement dilatées aux hautes latitudes faussent la perception de la taille relative des peuplements humains figurés. L’échelle est le cent-millionième à l’équateur, mais nulle échelle numérique ni graphique ne figure sur le planisphère.

2. Carroyage. Les longitudes sont référées au méridien origine de l’Observatoire de Paris (la gravure de la carte l’a malencontreusement placé entre Paris et Londres), une ligne imaginaire créée en 1670. Le carroyage en parallèles et méridiens employé par Bory est devenu d’emploi systématique et fiable pour tous les espaces depuis la mise au point des chronomètres de marine anglais puis français vers 1770-1780.

Orientation. Le Nord est en haut, comme il est d’usage depuis la Renaissance, lorsque la cartographie européenne s’est pleinement livrée à l’astronomie et au magnétisme terrestre.

4. Centrage en hauteur. Le milieu de la hauteur du planisphère n’est pas l’équateur mais le 30e parallèle Nord, afin de mieux faire voir l’hémisphère boréal, beaucoup plus riche que l’hémisphère austral en terres émergées et en peuplement humain.

5. Centrage en longueur. Le milieu de la longueur du planisphère est le 150e méridien Est (la carte est à peu près centrée sur l’archipel des Mariannes), un choix relativement peu fréquent. Il est très probable que pour dessiner son propre planisphère, Bory s’est fortement inspiré de ceux d’Adrien-Hubert Brué (1786-1832), un facteur de cartes réputé qu’il cite avec éloge, qui fut son compagnon, comme mousse, lors de l’expédition Baudin en 1800-1802 (cf. annexe 1) et dont il utilise une production pour déterminer les « berceaux » de ses espèces humaines (cf. annexe 7). De Brué, la Mappe-monde sur la projection de Mercator[9] est centrée sur l’intersection du 40e parallèle Nord et du 150e méridien à l’Est du méridien de Paris ; semblable disposition dans sa Mappe-monde en deux hémisphères avec l’Ancien Monde à l’Ouest et le Nouveau Monde à l’Est[10].

Ce choix permet de mettre en valeur les découvertes topographiques les plus contemporaines, qui ont lieu dans l’océan Pacifique. Mais il offre surtout à Bory la possibilité de montrer une symétrie des océans et des continents, ainsi que l’opportunité de figurer aisément la continuité de peuplement transcontinentale de quatre de ses espèces : les espèces scythique et hyperboréale sont présentes dans le Nord de l’Asie et des Amériques ; l’espèce neptunienne est implantée de Madagascar jusqu’à la côte occidentale de l’Amérique ; le peuplement par l’espèce mélanienne s’étire de la Nouvelle Guinée à la Terre de Feu sud-américaine[11].

6. Reliefs. Le coup d’envoi de relevés altimétriques systématiques ne date, au mieux, que du dernier quart du xviiie siècle, et seulement en Europe occidentale. En raison du manque de données, selon l’usage perfectionné au xviiie siècle les reliefs sont figurés par de fines hachures qui ombrent le contour des formes orographiques les plus saillantes.

7. Code typographique. Amélioré aux xviie et xviiie siècles, il ordonne les toponymes et les ethnonymes en classes d’objets distinctes. Toutefois, vieil usage de la cartographie européenne, un subtil rapport entre leur notoriété et leur extension topographique assigne aux dénominations des lieux et des peuples leur rang au sein de la nomenclature[12].

- Les grandes majuscules blanches nomment un métacontinent (Amériques), les cinq continents (Ancien Continent Boréal, Nouveau Continent du Sud, Australasie) et les sous-continents (Europe et Asie).

- Les majuscules droites désignent de vastes régions (la Tartarie, l’Éthiopie qui est l’Afrique noire).

- Les majuscules italiques signalent des régions impérialisées (Brésil, Chine – l’Empire ottoman n’apparaît pas[13]) et quelques régions (Thibet, Cafrerie, Patagonie).

- Les minuscules droites sont dévolues aux États ordinaires (France, Perse, Pérou), aux régions de taille moyenne (Alpes, Allemagne, Guinée) et à la plupart des peuples (Birmans, Grands Esquimaux).

- Les minuscules italiques distinguent les peuples (Iakoutes, Turcomans), régions (Mésopotamie, Fezzan) ou États (Maroc, Barca) considérés comme de moindre importance, ainsi que les unités naturelles des terres émergées (fleuve Zaïre, Monts de la Lune).

- Parce qu’elle classe des objets cartographiques plus géométriquement définis, la hiérarchie des toponymes maritimes est moins complexe, de la grasse et droite majuscule des vastes océans jusqu’à la maigre minuscule italique des détroits.

8. Usages du blanc. Pratique héritée de la cartographie des Lumières, les espaces dessinés renvoient explicitement à une connaissance positive[14].

- Les terres inconnues sont réservées en blanc, telle l’Afrique centrale ; une autre marque de scientificité du même ordre, l’inscription portée au Nord du Canada, mer vue par Mackensie[15], avoue des incertitudes topographiques : en compensation, la confiance du lecteur dans le dessin des régions renseignées s’en trouve renforcée. Et si le Nil prend faussement sa source dans les supposés Monts de la Lune au-delà de l’Abyssinie, c’est que leur existence, mentionnée depuis l’Antiquité, est encore jugée très crédible au début du xixe siècle.

- Les lacunes de connaissance ne sont pas à confondre avec d’autres blancs qui, eux, signalent les déserts humains (Sahara, Groenland), y compris les espaces maritimes.

9. Technique de coloriage. Initiée à la Renaissance, la technique de mise en couleur des gravures en noir et blanc, par simples lignes et aplats d’aquarelle juxtaposés, est en 1827 immédiatement antérieure à la révolution technique, sémiotique et graphique qui s’affirme dans la seconde moitié du xixe siècle, lorsque la panoplie de symboles imprimés en couleur s’accroît et se complexifie et que la représentation des flux s’ajoute alors aux seuls positionnements, donnant aux cartes thématiques l’aspect qui est encore souvent le leur aujourd’hui[16]. L’impression en couleur des feuilles d’estampe débute timidement à la toute fin du xve siècle pour certaines Bibles puis pour des planches de médecine ; elle ne se généralise qu’à partir de la seconde moitié des années 1830, tout particulièrement en cartographie.

10. Code chromatique. Il n’est pas en rapport avec la hiérarchie des espèces de la classification zoologique (cf. annexe 5). Ni les teintes choisies, ni leur éclat, ne sont un indice graphique de supériorité ou d’infériorité : les plus vives à l’œil sont celles des Neptuniens, des Siniques, des Hïndous ou des Patagons.

Peut-être existe-t-il, parfois, une correspondance entre la teinte adoptée et la couleur du derme de l’espèce représentée. Quoique Bory retienne, comme critère le plus général de la mise en ordre des espèces, l’aspect du cheveu (lisse, crépu) et non l’« équivoque » et « impropre » pigmentation de la peau[17] – les hommes à cheveux crépus sont néanmoins tous des Noirs –, les Japétiques sont figurés en rose cependant que les Éthiopiens et Cafres d’Afrique subsaharienne sont en gris-mauve et en brun, et les Australasiens, en gris. Rien là de systématique pourtant.

Il semble qu’au-delà de ces quelques cas appartenant aux deux extrémités de la hiérarchie taxinomique, le plus important pour la construction du planisphère soit la clarté visuelle : il y faut une juxtaposition de couleurs bien contrastées afin de réduire au minimum les confusions de lecture, et l’usage de teintes lumineuses lorsque plane le risque de la mauvaise visibilité des petits espaces insulaires.

11. Ordre de la légende. Il reprend celui de la description publiée par Bory en 1825 puis en 1827a et 1828 (cf. annexe 5) et ne s’accorde qu’accessoirement à l’ordre hiérarchique des espèces (cf. annexe 6). Dans la logique de l’inventaire, il répond plutôt à un principe statistique de dénombrement combiné à un parcours géographique[18]. Le sous-genre le plus nombreux, les Léiotriques (onze espèces d’hommes à cheveux lisses), est placé avant celui des Ulotriques (quatre espèces d’hommes à cheveux crépus).

a. Au sein des Léiotriques.

- Viennent d’abord cinq espèces « propres à l’Ancien Continent », avec les Japétiques (les Européens) en tout premier lieu. L’énumération des espèces progresse alors d’Ouest en Est le long du grand axe du continent eurasiatique. Si le planisphère est centré sur les eaux du Pacifique au voisinage du Japon, sa légende est donc, au contraire et classiquement, eurocentrée : le centre de la carte, l’Ouest du Pacifique, n’est pas premier d’un point de vue anthropographique.

- Les trois espèces « communes à l’Ancien et au Nouveau Monde » sont ensuite nommées du Nord au Sud, au long du grand axe du continent américain, avec deux anomalies : l’espèce scythique n’y figure pas, parce qu’elle est répertoriée comme « propre à l’Ancien Continent » – elle y est, de fait, principalement localisée – et que Bory en suppose seulement la présence en Amérique du Nord, où elle serait « égarée » et non « autochtone »[19] ; inversement, l’espèce australasienne, particulière à l’Australie, ne devrait pas s’y trouver – la raison probable de cette bizarrerie-là est que l’espèce australasienne n’a été que tout « récemment distinguée »[20] par Bory de l’espèce neptunienne qui la précède immédiatement dans la taxinomie. Ainsi la légende de la carte enregistre-t-elle quelques traces de l’évolution de la pensée de son auteur.

- La description des Léiotriques s’achève par trois espèces « propres au Nouveau Monde », elles aussi nommées du Nord au Sud, en parcourant le grand axe du continent américain.

b. Chez les Ulotriques, l’énumération suit seulement en tendance le grand axe Nord-Sud du continent africain.

- Les deux premières espèces et la dernière sont africaines, la troisième d’Asie et du Pacifique. Cette embardée géographique répond à un objectif naturaliste car l’espèce hottentote, bien que voisine de l’espèce cafre en Afrique australe et qui aurait, pour cela, pu la suivre dans la légende, est « la plus différente de l’espèce Japétique par l’aspect et les caractères anatomiques » et « fait le passage du genre Homme au genre Orang et aux singes[21] ».

- Privilégiant clairement cette fois le critère zoo-raciologique plutôt que l’itinéraire topographique, Bory voue donc les Hottentots à la clôture de sa légende.

 

 

Annexe 4

Nomenclatures terrestre et maritime du globe selon Bory de Saint-Vincent

 

A. Les terres émergées.

Afin d’ordonner sa nomenclature des espèces humaines, Bory distingue en 1825, selon une classique vision européenne née à la Renaissance des voyages transocéaniques, le « Nouveau Monde », opposé à l’« Ancien Monde » ou « triple continent »[22] repris dès le Moyen Âge aux Grecs anciens (Hécatée de Milet, Pindare, Hérodote, etc.). Le triple continent est l’ensemble terrestre continu formé par l’Europe, l’Asie et l’Afrique définies à partir des rivages occidentaux, orientaux et méridionaux disposés autour d’un ensemble maritime séparateur constitué par la mer Noire, la mer Égée et le reste de la Méditerranée, puis progressivement étendu dans toutes ces directions ; il resurgit de nos jours sous les appellations d’Eufrasie ou Eurasiafrique, qui visent à réintégrer l’Afrique subsaharienne dans le « système-Ancien Monde » antérieur à la mondialisation[23].

Sur le planisphère de 1827, les Deux Mondes ou métacontinents sont eux-mêmes subdivisés en cinq continents.

- L’Ancien Continent Boréal est l’actuelle Eurasie ; il tient donc ensemble deux sous-continents, l’Europe à l’Ouest du fleuve Oural et des Monts Ouraliens, l’Asie à l’Est : après bien d’autres, Bory entérine la ligne de partage définie en 1703 par Vassili Tatichtchev (1686-1750), géographe de Pierre le Grand, dans le but d’inclure parmi les Européens « civilisés » les anciens Moscovites soudainement occidentalisés par oukase impérial.

- Outre-Méditerranée se tient l’Ancien Continent Méridional ou Afrique.

- Les Amériques, un métacontinent, sont partagées en Nouveau Continent du Nord et Nouveau Continent du Sud.

- À l’extrémité Sud-Est de l’Asie, l’Australasie ou Cinquième Continent se limite à l’Australie.

Une Océanie dont est exclue l’actuelle Polynésie regroupe les Micronésie et Mélanésie d’aujourd’hui, alors que l’archipel de l’Insulinde est baptisé Polynésie (au xixe siècle, de nombreux auteurs le nomment « Archipel Asiatique », par analogie avec « l’Archipel », l’émiettement des terres insulaires en mer Égée). Ces dénominations sont alors d’emploi remarquablement variable d’une carte à l’autre, en indice de l’intégration inachevée des espaces concernés au sein du corpus cartographique et scientifique des Européens. À l’époque de Bory, les expéditions dirigées vers l’Asie du Sud-Est et le Pacifique précisent un savoir jusque-là fort lacunaire en Europe, rivalisant d’appropriations toponymiques concurrentes et mouvantes[24]. Le toponyme Océanie est forgé en 1812 par le géographe français d’origine danoise Malte-Conrad Bruun, dit Conrad Malte-Brun (1775-1826), pour son Précis de la géographie universelle[25], et est cartographié par Brué en 1814[26]. Dans la livraison de décembre 1827 de la Revue encyclopédique (depuis 1819), Bory consacre une notice au « patriote hyperboréen » qui du reste, dans son Précis, avait défini en 1813 quatorze grandes « races » humaines – cependant que Bory présente quinze « espèces » : Hervé Ferrière s’interroge sur une possible inspiration de Bory par Malte-Brun, le second ayant en outre accueilli nombre de textes du premier dans ses Annales des voyages, de la géographie et de l’histoire[27].

Point encore de continent Antarctique[28] car presque rien n’est directement connu – ni représenté sur la carte – de ce qui existe dans l’hémisphère austral au Sud du 65e parallèle, où les navigateurs européens comme James Cook se sont jusqu’alors heurtés au rempart des glaces.

B. Les espaces maritimes.

C’est dans ce registre que la toponymie du planisphère de Bory est la plus innovante.

1. Simplification des océans.

Pour Bory, un océan Antarctique s’ajoute aux océans Atlantique, Indien, Pacifique et Arctique ; s’iln’est pas séparé par des terres émergées des océans Atlantique, Indien et Pacifique, le grand froid qui y règne lui confère une individualité physique, botanique et zoologique suffisante pour que le naturaliste s’avise de le distinguer[29].

Dans l’hémisphère boréal, est peu connu – et représenté sur la carte – ce qui existe au Nord du 75e parallèle (par exemple, l’Alaska n’est pas encore parfaitement identifiée comme une péninsule) : la mention océan Arctique déborde pour cela sur les terres laissées en blanc du Grand Nord canadien.

Bory réprouve comme « arbitraires » les appellations usuelles de « mer des Indes » pour l’océan Indien ou de « Grand Océan » pour l’océan Pacifique, ainsi que, contre l’hydrographe des Lumières Charles-Pierre de Fleurieu (1738-1810) et l’usage cartographique au début du xixe siècle, la subdivision des océans par les « cercles de la sphère » selon laquelle, par exemple, l’océan Pacifique est nommé « Grand Océan Équinoxial » dans la zone intertropicale (l’équateur est la « ligne équinoxiale »), « Grand Océan Boréal » au Nord et « Grand Océan Austral » au Sud.

Simplifiant et uniformisant « rationnellement », il n’admet finalement que « cinq grandes régions océaniques »[30] sous des appellations qui, un siècle plus tard, seront toutes ensemble devenues coutumières. Autre solution : en 1830, le cartographe Brué donne un planisphère sur lequel un « Grand Océan » réunit les océans Indien et Pacifique de Bory, considérant sans doute que l’archipel de l’Insulinde ne constitue pas une rupture suffisante pour isoler deux océans distincts.

2. Multiplication des Méditerranées.

Bory rend générique le terme de Méditerranée pour désigner « toute Mer qui, ne faisant pas partie immédiate d’un Océan, communique par un, ou même par plusieurs détroits » avec un océan[31]. L’innovation de Bory ne réside pas dans l’extension mondiale du concept de « méditerranée », mais dans son inscription cartographique. Ainsi désigne-t-il sur son planisphère, outre la Méditerranée proprement dite dont la mer Noire « n’est qu’un appendice », les Méditerranées Baltique (la mer Baltique[32]), Érythrée (la mer Rouge[33]), Sinique (mers de Chine et du Japon), d’Okhotsk et de Béring[34], enfin Colombienne (le golfe du Mexique et la mer des Antilles).

En 1826, Bory identifie de plus une « Méditerranée ou Golfe Persique »[35] et, de la baie d’Hudson, il écrit qu’elle « peut être encore considérée comme une Méditerranée, mais on en connaît à peine la véritable figure »[36] ; ces deux espaces maritimes, l’un bien petit, l’autre mal connu, n’ont pas droit à leur qualification générique sur le planisphère de 1827.

Bory prévoit, au surplus, la formation très progressive de deux nouvelles Méditerranées en mer des Philippines et en mer de Corail, sous l’effet du « charroi continuel des matières arrachées à la surface des continens [sic] par les eaux pluviales, les rivières et les fleuves »[37]. Cette même raison explique que les Méditerranées « tendent à se fermer comme pour former des Caspiennes ».

3. Les Caspiennes absentes.

Sur le patron des Méditerranées, Bory souhaiterait étendre le nom de Caspienne « à tout amas d’eau salée qu’emprisonne la terre dans la totalité de sa circonférence, et que nul détroit, ni même de cours d’eau un peu considérable, ne met en communication, soit avec un Océan, soit avec une Méditerranée »[38].

Outre la mer éponyme, sont des Caspiennes la mer d’Aral, le lac Baïkal et la mer Morte. Pourtant, elles ne sont pas désignées sous cette nouvelle appellation générique sur le planisphère de 1827. Avec prudence, Bory n’y systématise pas autant qu’il aurait pu le souhaiter les innovations toponymiques qu’il propose ailleurs.

 

 

Annexe 5

La classification du genre Homo selon Bory de Saint-Vincent

 

Ordre et symboles des niveaux taxinomiques sont de Bory ; nous avons mis en gras le nom des espèces ; nos précisions sont insérées entre crochets avec, en italique, les toponymes repris du planisphère ; les citations non référencées proviennent de Bory, 1825, p. 281b-330b, passim.

La classification de Bory est reproduite vingt ans plus tard sous forme tabulaire et sans explications par Jean-Jacques-Nicolas Huot dans Conrad Malte-Brun, Précis de géographie universelle, Paris, Bureau des publications illustrées, t. i, 1845 (5e éd. revue et augmentée), liv. xlvi, p. 566. Le naturaliste (géologue) Huot insère là un « Tableau des principales Classifications relatives aux différentes Races ou Espèces d’Hommes » où se succèdent la « Classification proposée par M. Bory de Saint-Vincent (article « Homme » du Dictionnaire classique d’histoire naturelle, t. viii, 1825) » [mais Huot oublie au passage l’« espèce hottentote »], la « Classification proposée par M. A. Desmoulins (Histoire naturelle des races humaines, 1826) » et la « Classification proposée par M. Lesson (Manuel de mammalogie, 1827) ».

 

† Léiotriques, à cheveux unis [lisses ; Aristote faisait déjà grand cas des poils comme critère taxinomique de l’homme (Histoire des animaux, liv. iii). Sur la postérité de ce critère après Bory, cf. Hervé Ferrière, op. cit., 2009, p. 158 (cf. note 27). Peut-être Bory a-t-il eu connaissance de l’étude des sections transversales de divers types de cheveux réalisée en 1822 par Carl Friedrich Heusinger von Waldegg, alors professeur d’anatomie et de physiologie à l’Université de Würzburg (mention relevée dans Joseph Deniker, Les races et les peuples de la Terre, éléments d’anthropologie et d’ethnographie, Paris, Schleicher, 1900, p. 49 ; Deniker recourt lui aussi au principe capillaire de classification raciale : ibid., p. 339-340)].

* Propres à l’Ancien Continent.

1. Espèce japétique (homo japeticus) [espèce qui dispute aux dieux leur puissance : Bory renvoie à l’« audax Japeti genus » du poète latin Horace (Odes, i, iii, 27) ; l’expression « les enfants audacieux de Japet » désigne emphatiquement Atlas, Prométhée, Épiméthée, Ménœtios et Hespéros, les fils du Titan Japet, lui-même fils du Ciel (Ouranos) et de la Terre (Gaia)[39]. L’espace occupé par les Japétiques, soit les Européens, inclut l’Asie Mineure et le Nord de la Perse (les Turcs sont d’espèce scythique)].

a. Gens togata [« races où de tout temps on porta des vêtements larges ; où les mœurs ont généralement subordonné les femmes aux hommes jusqu’à les rendre esclaves ; où la tête devient, par l’effet de l’âge, le plus souvent chauve par le front »].

α. Race caucasique (orientale) [hommes des monts du Caucase : notamment, les Géorgiens, les « Circassiens » (Tcherkesses)].

β. Race pélage (méridionale) [hommes des rivages européens de la Méditerranée : notamment, les Grecs, Romains et Thraces de l’Antiquité, les Grecs et les Italiens modernes].

b. Gens bracata [« races dont certains vêtements étroits sont aujourd’hui adoptés par toutes les variétés ; où les mœurs ont subordonné souvent jusqu’à la faiblesse les hommes aux femmes, où la tête devient avec l’âge plus communément chauve par le vertex » (le sommet du crâne)].

γ. Race celtique (occidentale) [notamment, les anciens Gaulois, les Français, les Gallois, les Basques].

δ. Race germanique (boréale).

1° Variété teutone [Germaniques : notamment, les Allemands, les Scandinaves, les Anglais].

2° Variété sclavone [Slaves (Polonais, Russes, Tchèques, etc.), Hongrois ; les Cosaques sont des « hybrides » de Japétiques sclavons et de Scythiques].

2. Espèce arabique (homo arabicus) [hommes de l’espace linguistique où l’arabe est dominant, ils sont aussi localisés au Sahel et sur les plateaux éthiopiens, en Andalousie et au Nord de Madagascar].

α. Race atlantique (occidentale) [notamment, les « Atlantes » disparus[40] et les Berbères].

β. Race adamique (orientale) [notamment, les anciens Égyptiens et Phéniciens, les Arabes dont les Hébreux : les Hébreux sont pour Bory une « tribu arabe des bords méridionaux de la mer Rouge » sortie presque entièrement de son berceau d’Abyssinie – il y reste alors les « Falashas » – pour finalement « s’approprier » la « pierreuse Palestine » « par une guerre d’extermination » : Bory retient comme faits historiques les propos du Livre de Josué de la Bible hébraïque ; en outre, dans la lignée voltairienne, son anticléricalisme inclut un vigoureux antijudaïsme[41]].

3. Espèce hïndoue (homo indicus) [hommes de la péninsule indienne, avec débordements cartographiques sur le Baloutchistan et l’Afghanistan].

4. Espèce scythique (homo scythicus) [peuples des steppes de la moitié Nord de l’Asie et Amérindiens du Nord-Ouest : notamment, les anciens Scythes, les Mongols, les Mandchous, les Turcs, peut-être les Aztèques].

5. Espèce sinique (homo sinicus) [hommes « de Chine » : notamment les Chinois mais aussi les Coréens, les Japonais, les Indochinois dont Thaïs et Birmans (sur le planisphère, le nom de ces derniers déborde sur l’Indostan pourtant réservé à l’espèce hïndoue)].

** Communes à l’Ancien et au Nouveau Monde.

6. Espèce hyperboréenne (homo hyperboreus) [proches du pôle boréal, peuples des régions polaires au Nord de l’Eurasie et de l’Amérique : Lapons, Samoyèdes, Ostiaks, Toungouzes, Tchouktches, Iakoutes, etc.].

7. Espèce neptunienne (homo neptunianus) [« parce qu’on la dirait sortie des flots, dont elle n’abandonne pas les rivages » : sa dissémination insulaire et côtière s’étend de Madagascar jusqu’au Mexique et au Chili].

α. Race malaise (orientale) [Malais, dont les « Gitans » sont un rameau].

β. Race océanique (occidentale) [Maoris, Polynésiens, peut-être le fond du peuplement des empires aztèque et inca].

γ. Race papoue (intermédiaire) [les Papous sont hybrides de Neptuniens et de Mélaniens].

8. Espèce australasienne (homo australasicus) [Aborigènes de l’Australie, dénommée Australasie].

*** Propres au Nouveau Monde.

9. Espèce colombique (homo colombicus) [riveraine de la Méditerranée Colombienne, en hommage au découvreur génois : Amérindiens d’Amérique septentrionale, centrale et caribéenne, dont les Mayas].

10. Espèce amériquaine ou américaine (homo americanus) [Amérindiens du bassin de l’Amazone et des Pampas, Araucans du Chili].

11. Espèce patagone (homo patagonus) [Patagons].

†† Ulotriques [ou bien « Oulotriques »], à cheveux crépus [« vulgairement les Nègres », car « on n’en connaît pas » d’espèces « blanches » ; ils sont, pour l’essentiel, présents dans l’hémisphère Sud].

12. Espèce éthiopienne ou éthiopique (homo æthiopicus) [« face brûlée » en grec, donc hommes à peau foncée : Wolofs, Fulbe (Peuls), Mandingues, Achantis, peuples bantous, etc.].

13. Espèce cafre (homo cafer) [« infidèle » en arabe : Bantous ngunis tels que les Zoulous du Natal ou les Xhosas, au contact du monde swahili musulman].

14. Espèce mélanienne (homo melaninus) [« Noirs », en grec : Aborigènes de Taiwan, Mélanésiens, hommes de la Terre de Feu sud-américaine].

15. Espèce hottentote (homo hottentotus) [dérivé d’un mot hollandais signifiant « qui bégaie » : Khoisan du bassin du fleuve Orange, au contact des colons néerlandais d’Afrique australe ; « la plus différente de l’espèce japétique par l'aspect et les caractères anatomiques, celle-ci fait le passage du genre Homme au genre Orang et aux Singes »].

 

††† Hommes monstrueux [« variétés accidentelles » mais « constantes » au sein de certaines espèces, pour cela absentes du planisphère].

α. Crétins [« dégénérés par appauvrissement, appartiennent d’ordinaire à l’espèce Japétique » (européenne) – dont les fameux « Crétins des Alpes »].

β. Albinos [« communs, ou du moins plus remarqués chez les espèces d’hommes à derme foncé », ils peuvent être aussi des Japétiques].

 

Comme image synthétique, la mappemonde de Bory ignore par nécessité les détails dont les écrits du savant sont émaillés. Par exemple, une dimension remarquable, celle du « genre » au sens de l’humain genré que recèle le genre humain, ne peut être rendue par la carte. Bory, grand amateur de femmes dont les quatre enfants furent des filles, s’est attaché à décrire pour chaque espèce, sous le rapport physiologique comme du point de vue culturel, d’une part les hommes, d’autre part les femmes, enfin, parfois, leurs relations au sein de l’espèce, de la race ou de la variété qu’ils constituent ensemble. Un simple indice du procédé figure dans la mise en ordre taxinomique d’Homo, avec ces définitions des deux « gens » de l’espèce japétique qui raviraient probablement les spécialistes des problématiques genrées, surtout lorsque ces dernières croisent les problématiques raciales[42].

 

 

Annexe 6

La hiérarchie des espèces en fonction de leurs indices de développement humain selon Bory de Saint-Vincent

 

À partir de la connaissance qu’il en a et du jugement qu’il porte sur le niveau atteint par l’« état social » de chacune d’elles, Bory fournit une hiérarchie des espèces en quatre grandes catégories.

1. Les Japétiques dominent : ce sont les Européens.

2. Suit le groupe des trois autres espèces moins civilisées mais très estimées : Arabiques, Hïndous, Siniques.

3. Viennent ensuite sept espèces qui sont encore plus faiblement civilisées : Scythiques, Hyperboréens, Neptuniens, Colombiques, Amériquains, Patagons, Éthiopiens.

4. Les quatre espèces considérées comme les plus sauvages ferment la marche du « développement »[43] : Australasiens, Cafres, Mélaniens, Hottentots.

D’un point de vue géographique, Bory définit de la sorte un lieu central de capacités physiologiques et de prospérité socioculturelle, formé par l’alignement, sur le grand axe Est-Ouest de l’Ancien Continent Boréal, des quatre espèces pour lui les plus civilisées (groupes 1 et 2) ; les onze espèces qui le sont moins (groupes 3 et 4) dessinent une vaste périphérie enveloppante.

 

 

Annexe 7

Évolutionnisme (1) : les « berceaux » des espèces humaines selon Bory de Saint-Vincent

 

Pour comprendre la conception des berceaux chez Bory, il faut croiser sa théorie de la Terre, sa vision de la « génération spontanée » et sa pensée transformiste des êtres vivants[44]. Ses quinze espèces sont sorties d’au moins autant de lieux originaires, identifiés aux piémonts des grandes montagnes[45] et ordonnés selon une chronologie géologique de l’apparition des terres émergées par suite de l’abaissement du niveau des mers[46], conformément aux théories d’alors dans la lignée de Linné. Pour le géologue qu’est aussi Bory, la difficulté de repérage des berceaux provient de ce qu’il lui faut induire ce qu’ont dû être les terres émergées en une époque aussi reculée que possible, alors qu’elles ne formaient encore qu’un ensemble d’archipels où sont apparues les diverses espèces d’hommes – en revanche, est épargnée à Bory la complication d’une « dérive des continents » qui surgira en 1912 avec les travaux d’Alfred Wegener (1880-1930)[47].

Bory s’est exercé à détecter les piémonts candidats à son hypothèse sur la « magnifique mappe-monde publiée en 1820 par Brué »[48] : il s’agit très certainement de la Mappe-monde en deux hémisphères présentant l’état actuel de la géographie du cartographe Adrien-Hubert Brué, en quatre grandes feuilles (deux par hémisphère, Ancien Monde et Nouveau Monde)[49] ; d’autant que cette carte de très grande taille et de belle facture est dédiée à l’influent naturaliste, baron, académicien et conseiller d’État Georges Cuvier, auquel Bory dédie de même son Essai zoologique sur le genre humain (Bory, 1827a)[50].

À l’issue de cet examen cartographique, la géographie anthropologique créée par Bory détermine cinq cas de figure explicitement tributaires de l’état imparfait de ses connaissances.

1. Tout d’abord, les plateaux de l’Asie centrale sont au berceau de l’espèce scythique, cependant que les espèces hïndoue et sinique apparaissent en deux contreforts méridionaux du Tibet. Ce sont, pour Bory, les premières terres émergées ; il en infère l’antériorité des trois espèces dont elles sont le berceau. L’idée n’est pas neuve, dans le contexte intellectuel d’une recherche d’un peuple et d’une langue originels de l’humanité, ainsi que d’une volonté de révéler une inversion géographique de la diffusion tendancielle de la civilisation du Nord vers le Midi[51], et non plus du Midi vers le Nord selon le modèle européen hérité, tant de la prédication chrétienne au Moyen Âge que de la valorisation humaniste de l’héritage méditerranéen antique à la Renaissance.

2. Sont venues ensuite, dans un ordre non déterminé, les quatre races de l’espèce japétique sur l’archipel que formait jadis l’orographie de la moitié méridionale de l’Europe, des Balkans jusqu’aux Cévennes et aux Vosges ; la race orientale de l’espèce arabique, sur les plateaux d’Abyssinie et au pied des Monts de la Lune ; la race occidentale de l’espèce arabique, sur les pentes des montagnes sahariennes jusqu’aux Canaries (Hervé Ferrière[52] souligne à l’envi nombre d’incohérences dans les travaux de Bory : ici, des races d’une même espèce peuvent apparaître chacune en des berceaux fort distincts alors qu’en toute rigueur, à une espèce ne devrait correspondre qu’un seul berceau) ; l’espèce hyperboréenne, au sein du bouclier scandinave ; l’espèce éthiopienne, dans les Monts de Guinée.

3. Dernières apparues, les espèces cafre et hottentote aux piémonts du Drakensberg, l’espèce australasienne sur ceux de la cordillère littorale de l’Australie orientale.

4. Enfin, Bory groupe en une quatrième catégorie les espèces dont il juge le berceau trop « prématuré » à définir, voire impossible à pronostiquer faute de « données suffisantes »[53] : la race océanique de l’espèce neptunienne est sans doute néo-zélandaise, l’espèce colombique est peut-être liée aux Appalaches[54] et l’espèce américaine aux contreforts orientaux des Andes[55], mais Bory refuse de se montrer affirmatif[56].

5. Quant aux deux autres races de l’espèce neptunienne et à l’espèce patagone « qui semble être nouvelle »[57], le mystère de leur origine géographique reste pour lui entier. Trois ans plus tard, Bory avance timidement l’hypothèse floue « du plateau de la Tartarie, du Caucase, ou des côtes du Congo » comme berceaux des « hommes de l’Amérique, de l’Océanie et de la Polynésie »[58].

 

 

Annexe 8

Évolutionnisme (2) : l’humanisation de l’homme selon Bory de Saint-Vincent

 

Pour Bory, l’humanisation du genre humain résulte d’un progrès cumulatif et différentiel selon les lieux et les espèces. Sa vision évolutionniste retient la succession de seuils suivante[59].

0. La physiologie humaine réunit quatre caractéristiques décisives dans lesquelles s’enracinent les progrès de l’humanité.

a.  « Faiblesse instigatrice » de l’être humain : il est « de toutes les créatures celle qui fut jetée sur la terre avec le plus de besoins et le moins de moyens d’y satisfaire »[60].

b. « Penchant pour la fidélité », formation de couples et de bandes.

c. « Nécessité d’une plus longue éducation des enfants » que dans les autres espèces animales : attachement intergénérationnel.

d. Conformation des mains, dont la capacité de préhension influe sur « le jugement ».

1. Apparition du langage articulé : « âge d’or » de l’humanité, état de développement des espèces mélanienne et australasienne au début du xixe siècle.

2. Maîtrise du feu et formation de la propriété : « âge d’argent », naissance des religions et des théocraties.

3. Maîtrise des premières métallurgies : « âge d’airain », formation de « gouvernements réguliers ».

4. Métallurgie du fer : « âge de fer », apparition de l’écriture, développement des arts, émergence des villes, diversification et perfectionnement des langues.

5. Invention et large usage de l’imprimerie : « âge de raison », état de développement de l’espèce japétique dont témoignent les publications de Bory avec, parmi elles, son planisphère de 1827.

 

 

Annexe 9

Deux exemples de planisphère anthropologique français dans la seconde moitié du xviiie siècle

 

1. Didier Robert de Vaugondy (célèbre facteur de cartes parisien, 1723-1786), Nouvel atlas portatif destiné principalement pour l’instruction de la jeunesse, Paris, Robert, 1762, 52 pl. (BnF, G-3219). Cf. aussi Mary Sponberg Pedley, Bel et utile. The work of the Robert de Vaugondy Family of Mapmakers (Tring: Map Collector Publications, 1992), p. 96-99.

Les planches 1 à 4 reproduisent une semblable mappemonde mais chaque fois coloriée selon une légende propre : les ensembles ainsi passés en revue sont distingués par des lignes de couleur qui circonscrivent les espaces concernés et, pour les religions, par le surlignage coloré de toponymes.

- subdivision des terres émergées (7) : « Europe/Asie/Afrique/Amérique septentrionale/Amérique méridionale/Terres arctiques/Terres australes ».

- « religions » (4) : « judaïsme [en Palestine]/christianisme/mahométisme/paganisme ».

- « couleurs des habitans » (4) : « les Blancs [Europe]/les Bruns [Afrique, Arabie, moitié Sud de la Chine, Kyushu au Japon, Asie du Sud-Est] / les Jaunâtres [Perse et Inde]/les Olivâtres [Asie du Nord, Amérique] ».

- « figure des hommes » (4) : « les Européens [la plus grande part de l’Europe, l’Afrique méditerranéenne, la majeure partie de l’Asie occidentale, l’Inde, l’essentiel de l’Amérique]/les visages plats et les yeux ovales [la plus grande partie de l’Asie]/les visages d’Ours [l’extrême Nord de l’Amérique, de l’Europe et de l’Asie]/les Africains [l’Afrique subsaharienne] ».

 

2. Marie Le Masson Le Golft (« du Cercle des Philadelphes, &c. », naturaliste et éducatrice normande, 1749-1826), Esquisse d’un tableau général du genre humain, où l’on apperçoit [sic] d’un seul coup d’œil les Religions et les Mœurs des différents Peuples, les climats sous lesquels ils habitent et les principales variétés de forme et de couleur de chacun d’eux, s.d. (vers 1787), 1 flle (BnF, Ge-C-8674). Cf. aussi George Kish, « Une mappemonde anthropologique au xviiie siècle », in Scritti geografici in onore di Aldo Sestini, Firenze, Società di studi geografici, 1982 ; les travaux de Cyril Le Meur, Bridgette Byrd O’Connor sur Le Masson Le Golft.

Il s’agit d’une mappemonde en deux hémisphères (Ancien Monde, Nouveau Monde) dessinée par l’ingénieur-géographe Maurille-Antoine Moilthey, sur laquelle les peuples nommés sont définis selon quatre catégories : les « couleurs » sont figurées par des aplats de couleur, les « religions », les « mœurs » et les « formes » par des symboles ponctuels.

- « religions » (4) : « Catholiques/Séparés de l’Église/Mahométans/Idolâtres ».

- « mœurs » (7) : « Savans/Vivans en société/Sauvages/Poligames/Nuds/Humains/Cruels ».

- « couleurs » (6) : « Blancs/Noirs/Bronzés [« cuivre rouge »]/Olivâtres/Bazanés/Jaunâtres ».

- « formes » (8) : « Petits/Moyens/Grands/très Grands/Bienfaits/Malfaits/Beaux/Laids ».

Voici cinq exemples de configuration anthropologique qui mêle ces quatre séries de critères :

- les « François » sont catholiques ; savants, vivants en société et humains ; blancs ; grands, bien faits et beaux ;

- les « Turcs » sont mahométans ; vivants en société, polygames et cruels ; blancs ; grands et bien faits ;

- les « Chinois » sont idolâtres ou catholiques ; savants, vivants en société, polygames et humains ; olivâtres ; de taille moyenne ;

- les « Kalbongos » (à peu près dans l’actuel Cameroun) sont idolâtres ; sauvages, nus et cruels ; noirs ; grands, mal faits et laids ;

- les « Patagons » sont idolâtres ; sauvages, nus et humains ; basanés ; très grands et bien faits.


[1] Paul Butel, Les négociants bordelais, l’Europe et les Îles au xviiie siècle, Paris, Aubier, 1974, p. 322-324.

[2] Bory, 1825, p. 328a.

[3] Ibid., p. 339b.

[4] Ibid., p. 332b.

[5] André Pichot, Aux origines des théories raciales, Paris,Flammarion, 2008, p. 59.

[6] Ulla Ehrensvärd, “Color in Cartography: a Historical Survey”, in David Woodward, ed., Art and Cartography (Chicago: University of Chicago Press, 1987), p. 123-146.

[7] Michel Porret, in Claude Blanckaert, Michel Porret (dir.), L’Encyclopédie méthodique (1782-1832), Genève, Droz, 2006.

[8] Bory, 1827b, p. 119.

[9] Paris, Desray-Goujon, 1816, 1 flle (BnF, GE-CC-2029, pl. 1).

[10] Paris, Simonneau, 1820, 1 flle (BnF, GE-CC-2030, pl. 11).

[11] Elle n’est pas localisée en Australie, où est identifiée une espèce australasienne.

[12] Isabelle Laboulais, in Claude Blanckaert, Michel Porret, L’Encyclopédie méthodique, op. cit (cf. note 7).

[13] En raison des collages diachroniques auxquels s’est livré Bory et parce qu’il ne correspond pas à une région du monde telle que Bory la conçoit.

[14] Isabelle Laboulais, Combler les blancs de la carte, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2004.

[15] En référence à l’expédition de l’Écossais Mackenzie en 1789, si fameuse qu’elle est mentionnée par Chateaubriand dans ses Mémoires d’outre-tombe, 1re partie, liv. IV, chap. 14.

[16] Gilles Palsky, La cartographie thématique en France, Paris, 1990 ; Denis Wood, Jon Fels, The Nature of Maps. Cartographic Constructions of the Natural World (Chicago: University of Chicago Press, 2008).

[17] Bory, 1825, p. 279a.

[18] Sur le sujet, par exemple Justin Stagl, A History of Curiosity. The Theory of Travel 1550-1800 (Chur: Harwood Academic Publishers, 1995), p. 163-170.

[19] Bory, 1825, p. 312a.

[20] Ibid., p. 308b.

[21] Id. ; François-Xavier Fauvelle-Aymar, L’invention du Hottentot, Paris, Publications de la Sorbonne, 2002.

[22] Bory, 1825, p. 344a. Sur le sujet, cf. Christian Grataloup, L’invention des continents, Paris, Larousse, 2009.

[23] Philippe Norel, Laurent Testot (dir.), Une histoire du monde global, Auxerre, Éditions Sciences Humaines, 2012, p. 411.

[24] Hélène Blais, Voyages au Grand Océan. Géographies du Pacifique et colonisation 1815-1845, Paris, Éditions du CTHS, 2005.

[25] Paris, Buisson, 8 vol., 1810-1829 ; Christian Grataloup, L’invention des continents, op. cit., p. 121 (cf. note 22).

[26] Mention dans Adriano Balbi, Abrégé de géographie, 2 t., Bruxelles, Jamar, 1840 (4e éd.), t. i, p. 42 (1re éd. Paris, 1832).

[27] Hervé Ferrière, Bory de Saint-Vincent, l’évolution d’un voyageur naturaliste, Paris, Éditions Syllepse, 2009, p. 155, 123.

[28] Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent, article « Mer », in Dictionnaire classique d’histoire naturelle, op. cit., t. x, 1826, p. 370a-416b, p. 376a. Désormais Bory, 1826.

[29] Id.

[30] Ibid., p. 371-373.

[31] Ibid., p. 378b. Pour l’émergence de l’usage générique de « Méditerranée » en géographie, cf. Buffon, Histoire naturelle, Paris, Imprimerie royale, t. i, 1749, « Preuves de la théorie de la Terre », article xi « Des Mers et des Lacs », p. 375-427 ; Charles-Athanase Walckenaer, Cosmologie ou description de la Terre, Paris, Deterville, 1815 ; Adriano Balbi, Compendio di geografia universale, Venezia, Fuchs, 1817 (rééd. 1819, 1825, etc.). Un résumé de la question se trouve dans Adriano Balbi, Abrégé de géographie, op. cit., t. i, p. lxxviii, p. 24 (cf. note 26).

[32] Ou « Méditerranée scandinave » in Bory, 1826, p. 381a.

[33] Ou « Méditerranée érythréenne », ibid., p. 381b.

[34] Elles sont des « Méditerranées boréales », ibid., p. 384b.

[35] Ibid., p. 383a.

[36] Ibid., p. 388b.

[37] Ibid., p. 379a.

[38] Ibid., p. 389b.

[39] À ne pas confondre avec le Japhet fils de Noé de la Bible hébraïque, lui aussi enrôlé dans des classifications raciales comme « ancêtre » des Européens. Les Japétiques doivent se comprendre comme les humains par excellence dans la mesure où les enfants de Japet sont « tous pères du genre humain, selon la Fable » : Pierre Chompré, Dictionnaire abrégé de la Fable, Paris, Adrien Égron, 1817, p. 251 (1re éd. 1727).

[40] Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent, Essais sur les Îles Fortunées et l’antique Atlantide, Paris, Baudouin, An xi (1802). Avant lui, cf. notamment les conjectures sur les Atlantes de l’astronome Jean-Sylvain Bailly, Lettres sur l’Atlantide de Platon et sur l’ancienne histoire de l’Asie, Londres, Elmsly – Paris, Debure, 1779.

[41] Bory, 1827a, t. i, p. 212-223.

[42] Cf. Elsa Dorlin, La matrice de la race. Généalogie sexuelle et coloniale de la nation française, Paris, La Découverte, 2009 (1re éd. 2006). Dans le chapitre 10, l’auteure étudie les xviie et xviiie siècles et ne mentionne donc pas Bory, quoiqu’elle cite un de ses rivaux polygénistes : Julien-Joseph Virey, De la femme, sous ses rapports physiologique, moral et littéraire, Paris, Crochard, 1825.

[43] Bory, 1825, p. 345b.

[44] Hervé Ferrière, Bory de Saint-Vincent, l’évolution d’un voyageur naturaliste, op. cit., chap. 4, chap. 8 (cf. note 27).

[45] Bory, 1825, p. 330b-331a.

[46] Ibid., p. 334b-336a.

[47] Gabriel Gohau, Naissance de la géologie historique, Paris, Vuibert, 2003.

[48] Bory, 1825, p. 334a.

[49] Paris, chez l’auteur/Simonneau, juin 1820 (BnF, GE-C-6170 -1-5).

[50] Cette révérence est un bouclier forgé par Bory le Dragon contre la lance monogéniste et institutionnelle de saint Georges le Naturaliste.

[51] Par exemple, de l’astronome Jean-Sylvain Bailly, Lettres sur l’origine des sciences, et sur celle des peuples de l’Asie, Londres, Elmesly – Paris, Debure, 1777, surtout les lettres vi et vii ; du même, Lettres sur l’Atlantide, op. cit., en particulier la lettre xxiv (cf. note 40).

[52]  Hervé Ferrière, Bory de Saint-Vincent, l’évolution d’un voyageur naturaliste, op. cit. (cf. note 27).

[53] Bory, 1825, p. 336a.

[54] Ibid., p. 310a.

[55] Ibid., p. 312b.

[56] Ibid., p. 336a.

[57] Ibid., p. 313a.

[58] Bory, 1828, p. 261a.

[59] Bory, 1825, p. 339b-346b.

[60] Ibid., p. 341b.

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2. Le planisphère de Bory2 planisphere monde2AC - copie
3. Le planisphère de Berghaus de 1850

Berghaus, 1850